Qu’est-ce qui pourrait bien amener une femme de 50 ans à faire une séance portrait de femme dans une usine désaffectée avec moi photographe, à Lausanne maintenant ?

Le challenge peut-être. Le besoin sûrement. Profond. D’une séance portrait intime. Devenue une séance reflet.

Canons de beauté et 50 ans

A l’heure actuelle, même si les choses évoluent, il est toujours socialement plus difficile d’être une femme qui vieillit plutôt qu’un homme qui prend de l’âge. Difficile de conserver l’amour de soi. Nous sommes entourés de codes de beauté, tournés vers la jeunesse (réelle ou entretenue). Nous héritons d’un câblage préhistorique à évaluer la beauté physique en fonction des capacités de reproduction. Seins fermes et remplis, hanches dessinées, dents saines, qui représentent des paramètres publics d’une so call « aptitude à la reproduction ». Un excellent livre : Belle Autrement, de Sophie Cheval, y fait référence. 

La société, au fil des époques a greffé dessus ses propres canons de beauté (corps pulpeux ou mince, peau blanche ou mat, etc) fournissant des quantités d’images que nous absorbons inconsciemment jusqu’à en faire des références pour nous auto-juger.

Or vieillir ne fait partie d’aucun canon de beauté, chez la femme. Vieillir s’associe à la sagesse et au respect éventuellement. 

L’amour de soi à 50 ans

Et nous en arrivons ainsi aux 50 ans, aux 60 ans, gentiment reléguées dans les marges de la société. Pas de haine, pas de rebut, pas de méchanceté … mais une sorte de désamour lent, marqué. On rentre dans le catalogue de la Redoute et des mamies et on revient pour les fêtes. L’amour de soi prend un sacré revers.

Nous avons besoin de voir et d’entendre les femmes de 50 ans, de 60 ans. Cette femme qui vit, qui ressent, qui aime, qui choisit, qui se tient là, forte de toute son histoire, qui envoie bouler, qui s’expose, qui ose.

Nous avons besoin de voir ce cri, de l’entendre, nous avons besoin à 50 ans, à 60 ans et plus, de savoir que notre âme, notre portrait intérieur, si riche, est encore considéré de l’extérieur. Que nous avons encore une valeur et que le monde est capable de la voir et de l’entendre, au-delà des diktats sexuels de l’apparence.

Découvrez une séance reflet, avec Corinne

Corinne a accepté sans hésiter de réaliser cette séance portrait intime de femme de 50 ans qui va sur ses 60 ans. Il s’agissait avant tout de se vivre, soi, simplement, follement, de se mettre un peu à nu, dans cette usine aujourd’hui désaffectée, où s’est jouée une grande partie de son histoire. Etre femme, complètement, dans un lieu d’exercice du pouvoir, de l’autorité, de la responsabilité, de l’efficacité, du défi. Etre femme juste, là où elle a été femme, ouvrière et patronne.

J’ai adoré de la voir rire, se surprendre, s’abandonner, profiter, … Je crois que c’est un cadeau incroyable qu’elle s’est faite au travers de cette séance portrait intime. 

Avec Corinne j’ai réalisé ma première séance reflet. Une séance reflet c’est une séance où vous vous exprimez et je vous renvoie un reflet de ce que vous donnez à voir et à vivre. Je vous prends en photo et je vous écoute parler. Je travaille ces images, je mets par écrit une partie de notre échange. Et puis j’écris des textes, inspirée par ce moment de vous. Et enfin je vous présente l’ensemble dans un livre. Un petit trésor qui parle de vous, qui dit votre fragrance du moment, votre confiance, qui parle d’amour de soi. 

Voici quelques reflets de Corinne, textes et images :

Décoration : Cocotte et Coquette

Maquillage : Delphine Esthétique

Elle était assise là sur le canapé, je sentais tout son être encore recroquevillé en soi, un peu impressionné, secoué, d’avoir fait le pas. Non … pas des regrets, juste une appréhension. La joie d’être parmi des femmes, d’être reçue mais la timidité devant le léger brouhaha de l’accueil et des autres. Ces autres, qui semblent toujours savoir comment être, être fortes, puissantes, présentes, belles, qui semblent si sures de soi. Alors qu’on se sent moineau. Effrayable à merci.⁠

La confiance en soi.
Une maison.
Une maison à soi.
Que l’on construit patiemment. Que l’on peut contempler, dès les fondations, pour en savourer chaque étape.
La confiance en soi, une affaire de temps.
Le temps que l’on a pris pour digérer ce que l’on appelle communément des échecs, qui sont seulement des tournants de la vie, là pour nous apprendre à gérer le suivant.
Le temps qui a ridé nos mains comme un mémo indélébile de tous ces actes que l’on a posés, qui nous ont coûté, nous ont forgés, nous ont fait grandir, nous ont valu le respect des autres.
Parfois on oublie de s’asseoir pour regarder la maison confiance. Pour réaliser à quel point elle est solide, oeuvre du temps, de la patience, de l’endurance, de l’analyse, du travail et de l’amour.
L’âge est un millésime.
De l’or dans nos mains, dans nos coeurs, dans nos bouches, dans nos mémoires …
C’est une guirlande intérieure, que l’on n’a plus besoin de décrocher … 

Et mon désir intact, connaît les frissons du béton, le relief abîmé d’un sol martelé, la solidité des ans et l’incroyable brillance inlassable de la femme que je suis.

Il y a mon corps, sans idée, sans regard, sans appréciation, sans jugement, juste une matière de relief et de grains.⁠ Il y a mon regard sur mon corps, mes appréciations, mes jugements, mes amours, mes désamours.⁠ Il y a le regard des autres, que j’imagine, que je projette, que je crois deviner, que j’interprète, amours et désamours.⁠ Il y a le regard social que j’ai construit au fil des magazines, des conseils youtube, des images facebook, des films et des séries, amours et surtout désamours.⁠ Il y a le regard des gens qui m’aiment, entière ou en morceaux.⁠

Je suis une somme de tout ça. Mon aube, c’est ce moment où la matière, à travers mon regard, devient tendresse, simple et inconditionnelle. ⁠